Colombie 16, de Jardin à Jerico, tour de manège en Antioquia...
Colombie 16,
De Jardin à Jerico, tour de manège en Antioquia.
Dans la zona cafetera, au nord de Manizales, paraissant être à mille lieues du fameux « triangle du café », de solides villages paysans, pleins de vie, dédicacent aux visiteurs d’incroyables panoramas époustouflants !
Le petit numérique qui a le mérite de se glisser discrètement dans une poche et qui nous accompagne fidèlement dans nos voyages, ne rend pas justice à la beauté des décors de l’Antioquia du sud-ouest:
Dans cette région montagneuse qui libère l’arôme du café frais, le regard peut se perdre sur des horizons infinis, mais le cliché fixé sur la carte mémoire peine à traduire la réalité des nuances de ce musée multicolore à ciel ouvert !
Dans son ouvrage en noir et blanc, « Terres de café », le photographe Brésilien Sebastião Salgado décrit avec justesse l’univers particulier sous ces climats :
«Le monde du café est en grande partie marqué par l'isolement et le silence qui règnent dans les contrées montagneuses, loin de la ville, de ses bureaux et ses cafés où cette boisson accompagne un style de vie totalement différent…»
Et l’écrivain Chilien, Luis Sepúlveda, dépeint les scènes immuables du quotidien qui rythme l’âme des fincas de la zone caféière :
«Une longue file d'hommes et de femmes qui gravissent d'étroits sentiers menant au-dessus des nuages ou qui, à dos de mule, se fraient un passage à travers des jungles encore obscures et humides pour parvenir aux plantations […]. Le même bruissement fragile des mains qui récoltent un à un les grains, le son de ceux-ci en tombant, toujours un à un, dans le sac en toile de jute, le doux glissement des doigts lors du premier tri, encore grain par grain, et enfin la mélodie de mer calme que l'on entend quand ils se répandent sur les claies pour le séchage.»
« Un viejo que leía novelas de amor »
Café tôt du matin, café à dix heures, à midi, café de la tarde:
C’est toujours l’heure du tinto en Colombie !
Tasses vides sur la table rouge du bistrot, nous quittons Salamina.
Il faut d’abord « affronter » le court trajet de Salamina à La Felisa en passant par la Merced, 45 km de chemins empierrés pour près de 2h30 de Bus.
Sur les temps de parcours Google map est très optimiste!
Moyenne dérisoire, paysages splendides !
Le voyage a été « arrangé », nous n’avons pas tout compris, mais Roberto, fendu d’un grand sourire, a fait le nécessaire :
El Chico de l’oficina de turismo a téléphoné pour nous réserver deux places sur le minibus qui va nous cueillir au croisement de l’axe principal à La feliza.
À la sortie des lacets capricieux qui entaillent les parois verticales des parcelles de café, on nous attend !
Nous posons nos sacs à l’ombre d’une posada en bambous, la patronne nous a repérés (ce n’est pas trop difficile !).
Dans une demie heure un minibus nous prendra en charge pour rallier Jardin (prononcez Rrardinn) et nous paierons notre contribution directement au chauffeur.
Organisation parfaite dans ces villages de montagne qui font tout pour faciliter la vie des touristes !
Sur l’axe Cali /Medellin, La Felisa est une bifurcation poussiéreuse ; chaleur étouffante dans ce fond de vallée entaillé par le rio limoneux Cauca ; poids lourds à l’arrêt le temps d’une pause, jeeps en attente le long des restaurants sous tôle, cortège incessant de véhicules qui se croisent sur cette destination sud/nord, odeurs de gas oil se mêlant aux huiles grésillantes des bacs à friture des incontournables empanadas.
Petit tinto en attendant le busita, un café doux qui ne fatigue pas le cœur !
Nous débarquerons dans le paisible bourg de Jardin à la nuit tombante :
Visite de plusieurs hostals avant de conclure un prix satisfaisant pour une immense chambre familiale.
( 4 lits doubles et un landau ! Le prix s’entend au nombre d’occupants )
Chambre avec balcon regardant de haut la plaza principal, sa fontaine et ses jardins fleuries !
Au matin, à l’ouverture des volets de bois, c’est la basilica de la Inmaculada Concepción qui nous toise.
Dans la chambre, bien centré au-dessus du lit, le Christ sur son crucifix, sur la commode la Très Sainte Vierge et sur les murs quelques gravures vieillissantes de Bondieuseries.
Ici, il ne peut rien nous arriver de fâcheux !
Mis à part les cloches qui, sans économie aucune, s’agitent toutes les média hora dans un retentissant concert à faire fuir les pigeons de la place !
À Jardin on s’assoit beaucoup.
C’est peut-être parce qu’il y a de belles chaises de couleur sur le carré de la place pavée !
Certaines sont toutes en bois, d’autres allient le cuir de vache pour les fessiers délicats, et beaucoup présentent des dossiers peints évoquant des scènes rurales de l’Antioquia.
Les hommes sont nombreux à porter le poncho de coton, plié en deux, sur une épaule. On les retrouve attablés aux estaminets qui cernent la place.
Ça discute, ça tasse du café, certains accompagnent el tinto d’un petit verre d’aguardiente, tandis que d’autres se penchent sur les tapis verts des billards.
L’ombre de Juan Valdez du Cafe de Colombia n’est jamais loin.
Tasse à la main… « What else ? » pourrait souffler George sur cette carte postale !
Tiré du sommeil très tôt ce mercredi par une volée de cloches beaucoup plus fournie que les jours précédents, j’aperçois du balcon, la basilique se remplir au son des cantiques.
Et ça va durer quasiment toute la journée!
Un va et vient constant, où chaque pèlerin ressort de la maison de Dieu avec une croix « tatouée », plus ou moins bien réussie, sur le front !
C’est le Miércoles de ceniza !
Le Mercredi des cendres, jour de pénitence où il est de bon ton de se badigeonner le ciboulot comme tout bon chrétien.
Et tout le monde y passe, jeunes, moins jeunes et vieux, y compris la banquière qui derrière sa vitre compte les billets !
Jardin ne se résume pas à ses maisons colorées et fleuries.
La campagne environnante est spectaculaire ; les parcelles de café complantées de bananiers abritent une grande quantité d’oiseaux, les ballades dans ces montagnes verdoyantes, sur des sentiers exigeants, sont des parcours enchanteurs, surprenants et totalement paisibles.
Non loin de Jardin, un autre village fier du maintien des traditions de l’Antioquia, cultive bien sûr le café mais travaille aussi le cuir qui fait sa renommée :
Jerico expose en devanture les carrieles, ces petits sacs fait main que les hommes portent en bandoulière.
Depuis peu, le pueblito de Jerico s’est trouvé une nouvelle star qui draine des pèlerins d’un peu partout dans le pays et même au-delà :
Présente partout dans le village, (portraits, statues...), Laura est proclamée bienheureuse à Rome par le Pape Jean-Paul le second le 25 avril 2004 après reconnaissance d'un premier miracle.
Le 14 juin 2012, Benoit XVI valide un deuxième miracle attribué à Laura Montoya.
La voie est ouverte pour la canonisation et la Très catholique Laura deviendra la première Sainte Colombienne le 12 mai 2013 !
Les stands à l’effigie de Laura se multiplient et les ventes de souvenirs aussi.
À gauche du balcon de notre chambre, un super poster de Laura nous fait chaque matin un clin d’œil.
Lors d’un petit déjeuner sur la place, assis à une table voisine, l’excellent Umberto Uribe portant à merveille ses 89 ans a décidé de ne pas nous lâcher la grappe.
Au fil de la conversation, l’ancêtre, tout en restant discret sur sa vie, place habilement sa parenté avec Uribe, l’ancien Président Colombien.
Il nous dit être son cousin proche.
Comme il y a pas mal de patronymes « Uribe » dans le secteur nous n’accordons pas un crédit immédiat à Umberto, mais le bougre tend son bras, dévoilant un tatouage de Laura en disant qu’avec un tel portrait imprimé dans sa chair, il ne pourrait ni mentir ni offenser Dieu !
Bravo Umberto, t’as gagné ! On te croit !
Le bourg de Jerico vit un peu au ralenti, tout comme le bus qui assure le trajet entre ces pueblitos de montagne :
De Jardin à Jerico, il faut faire le changement à Andes et grimper à l’échelle d’un chivas, bus sans fenêtre, banquettes en bois, design aux couleurs de la Colombie et promenade dans la montagne à 20 km/h dans un fabuleux décor qui fait oublier les trous et les bosses du chemin.
Ces superbes villages sont l’âme de l’Antioquia des Andes, un terroir fait pour les vaches, la banane…et le café !
Une région d’altitude difficile d’accès, une campagne merveilleusement belle et une population d’une richesse humaine rare qui à force de courage et de persévérance, a réussi à maîtriser une nature hostile.
Ajoutez quelques ballades dans les collines, prenez le temps d’un bon café, respirez le façonnage du cuir et l’odeur des chevaux, faites un tour à la messe si vous le souhaitez, et vous aurez compris l’engouement des citadins de la grande ville de Medellin pour leurs escapades de fin de semaine dans l’ « Eje cafetero » !
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