Cuba 12, Habana centro, le retour chez Samuel Y Alberto.
Cuba 12,
Habana centro, le retour chez Samuel y Alberto.
« …Au retour, je devais traverser le fleuve Amendares et c’était là que partaient les désespérés, direction Miami.
Ils assemblaient des radeaux de pneus, de planches et de cordes et se lançaient à la mer avec la même insouciance que s’ils partaient en pique-nique.
C’était l’été 94.Depuis quatre ans mon pays vivait une terrible disette et une grande folie, mais c’était encore La Havane qui souffrait le plus.
Comme me disait toujours un ami :
« la seule façon de vivre ici, Pedro Juan, c’est de devenir dingue, ou de se saouler ou de dormir. »
Pedro Juan Gutiérez : Trilogie sale de la Havane. Extrait. (Univers Poche 10/18)
Un des lourds battants de la porte de la chambre est ouvert pour laisser passer l’air.
J’aperçois des pieds qui dépassent d’un drap léger.
Un pot de chambre est placé sous le lit, une quinte de toux fait trembler le lin blanc.
Assis sur une chaise, silhouette massive, courbé pour mieux se faire entendre, le petit-fils, la cinquantaine grisonnante, papote avec sa grand-mère alitée.
En allant à la cuisine chercher deux verres, fortuitement j’assiste à la scène.
À table, une jeune femme pleure doucement, son compagnon est près d’elle, attentif.
La vieille dame a 98 ans, c’est la maman de Samuel me dit Clara.
Clara, au service de la maison depuis tant d’années, connait tout de la « Casa ».
Nous sommes arrivés en fin de matinée, Alberto nous a accueillis.
Nous n’avons pas vu Samuel.
Près de l’aïeule finissante (?), le petit-fils prévenant, ne dévoilera pas à la vieille femme fatiguée, que Samuel, son fils ainé, est parti ce jour rejoindre le paradis des artistes.
Dans l’après-midi, pendant que nous profitions de la large allée ombragée du Prado qui s’enfuit vers le malecon et l’océan, Alberto a accompagné Samuel pour son bain qui lui apaisait ses douleurs de dos.
Samuel s’est paisiblement endormi.
« Samuel se fue » nous a dit Clara…Il est parti.
Un mois auparavant, le vieil homme au regard doux nous avait souhaité bon vent à la découverte de son île.
Nous nous faisions un plaisir de lui conter nos « aventures cubaines », nous aurions tant aimé lui dire combien Cuba nous a séduit, combien son pays est captivant, lui dire combien les Cubains que nous avons rencontrés ont été simplement formidables!
Nous n’en avons pas eu le temps.
Tôt le matin des funérailles, dans la Calle San Raphael, en échange de quelques pesos, Marie a récolté un joli bouquet de mariposas, (fleurs papillon, emblème national de Cuba), ces belles fleurs blanches au parfum subtil.
Clara au nom de la « casa » nous a remerciés avec discrétion s’excusant de n’avoir pas eu le temps de soigner le petit déjeuner comme il aurait fallu.
Samuel repose dans une sépulture d’attente à Colon, véritable nécropole de plus de 50 hectares, l’une des plus vastes de tout le continent Américain.
Faute de disponibilité, il faudra patienter environ deux ans pour que Samuel soit inhumé définitivement dans le carré Juif du cimetière.
Nous sommes sous le choc de cette disparition soudaine, nous vivons un moment inattendu au sein de la « casa ».
La « casa» de Samuel y Alberto ne laisse rien paraitre du départ de l’artiste.
Les chats somnolent, la matriarche attend son heure, Alberto d’une grande pudeur, appliqué à nous être utile, parfois songeur, vaque à ses occupations habituelles.
De la terrasse au couloir ouvert surplombant la cour, Clara abreuve les plantes tropicales.
Octobre 2015, año 57 de la révolucion !
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