Egypte 7, Louxor, de l'autre côté du fleuve...
Egypte 7, Louxor, de l’autre côté du fleuve…
« Le Nil de mon enfance, celui d’avant la construction du haut barrage d’Assouan, était vivant, en perpétuelle métamorphose.
Il changeait de couleur et de forme au gré des saisons.
Lors de la décrue, les eaux laissaient apparaitre des rives mouchetées de vert.
À l’inverse, au moment de la crue, les flots prenaient des reflets marron, bruns, couleur de la terre, ou noirs, couleur du limon, cet engrais naturel qui faisait le bonheur des paysans.
« Contrairement à la mer, écrivait encore Mahfouz, le Nil ne trahit personne. »
Oui. Malheureusement, ce sont les hommes qui l’ont trahi. Il fut un temps où ce fleuve-roi était respecté. Aujourd’hui, il est méprisé.
Entre détritus et déchets d’usines, il tente vaille que vaille de poursuivre sa mission :
Garder l’Égypte en vie. »
Gilbert Sinoué. « Impressions d’Égypte »
Nous avons quitté la rive Est et traversé le fleuve.
Il suffit de monter à bord du traversier, ce service public qui d’une berge à l’autre fait passer des centaines de passagers à chaque rotation.
Louxor version « campagne », plus calme, plus reposant :
C’est la rive Ouest, là où s’enkystent quelques vieux Européens rhumatisants, dont un bon nombre d’Anglais fatigués, venus passer l’hiver à l’abri de l’humidité…
Quatrième et dernier étage, vue totalement dégagée sur le Nil, pas même un seul câble électrique à nous ruiner le spectacle du « Winter Palace », en face, qui chaque soir s’illumine :
C’est un bon plan, nous avons loué cet agréable appartement, clair et fonctionnel.
Ce petit meublé n’a pas le charme des vieilles résidences coloniales mais sa terrasse privative nous donne l’impression du luxe pour un tarif moins cher qu’un modeste hébergement en hôtel !
Derrière notre chambre, les montagnes sacrées et le désert de roches qui surplombent le village de Gezira.
Au petit matin les montgolfières survolent les temples.
La rue centrale du « west bank », sale et encombrée, mène en pente douce vers la nécropole de « Thèbes » qui fait de Louxor la ville la plus visitée d’Egypte :
Des tombes à la pelle et quelques temples protègent le repos des rois et reines de l’Egypte ancienne.
C’est ici l’ultime demeure des Pharaons, immense cimetière où calmement les équipes de chercheurs espèrent la montée d’adrénaline d’une nouvelle découverte !
Mais les sépultures de ces têtes couronnées ne doivent pas faire oublier les autres « vallées », beaucoup moins courues, comme la vallée des Nobles ou le village des artisans :
Ces sites réservent aux curieux de belles émotions.
En s’engageant, souvent seul dans ces tombes, elles aussi destinées à affronter le temps, c’est un sentiment de plénitude qui accompagne le visiteur découvrant dans ces magnifiques salles souterraines le travail millénaire d'artistes anonymes.
Prendre son temps, apprivoiser l’espace, y aller à petites doses et on appréciera d’autant plus ces visites faites tôt le matin ou en fin d’après-midi, à l’écart des groupes qui généralement avalent l’ «essentiel » en une journée.
Enfourcher des vélos est une solution bien pratique pour sillonner le « west bank », en quelques coups de pédales on gagne les colosses de Memnon qui marquent l’entrée de la vallée.
Dans mon imaginaire je voyais ces géants au milieu du désert.
Quarante ans après ma première visite, ma mémoire défaillante mérite une mise à jour :
Les colosses, plus nombreux que par le passé, désensablés et venant s’ajouter aux deux « historiques », sont érigés en bordure de champs de canne à sucre.
D’importantes fouilles ont lieu actuellement sur le site pour tenter de redonner vie au temple funéraire d’Aménophis III, qui pourrait avoir été de dimension encore plus imposante que les temples de Karnak !
Quelques tours de roues supplémentaires et nous posons nos vélos à l’entrée de Medinet Habou, temple dédié à Ramsès III :
Le plus vaste de tous les temples funéraires égyptiens.
C'est Ramsès III, le dernier des grands pharaons (1184-1153 avant J. C.), qui le fit construire sur l'emplacement d'édifices antérieurs.
On n’en est pas certain (surtout pas nous !) mais il se pourrait bien que ce soit le grand architecte Imhotep, concepteur et bâtisseur de la première pyramide (Saqqarah) qui a tenu le crayon et la règle pour dessiner les plans et assurer le suivi des travaux de Medinet Habou !
Silhouette imposante, apologie de la puissance royale de l’époque, où Pharaon devait se protéger des menaces d’envahisseurs venus de Libye et de la Mer rouge.
Ramsès, le troisième, voulait marquer son passage ; Sur les pylônes et les colonnades, les reliefs en creux sont plus profonds qu’à l’habitude, il s’agit de sa signature, garantissant ainsi qu’il était capable d’en faire un peu plus que ses prédécesseurs !
Ici aussi un travail de restauration est en cours, on continue à fabriquer les briques de terre pour rénover les murs d’enceinte.
Medinet Habou, un très beau temple, impression de sérénité…Peu de monde sur le site…Nous croiserons une classe enfantine en visite et c’est bien tout.
Retour en roue libre sur les bords du Nil en traversant les surfaces agricoles irriguées par un maillage de nombreux canaux assurant une splendide bande verdoyante de chaque côté du fleuve.
L’Egypte don du Nil, une évidence… Sur ses rives, de belles nuances de vert tranchent l’ocre du désert.
Paysage trompeur qu’on pourrait croire idyllique, mais le Nil est gravement malmené.
Pour le pays c’est un véritable défi, la gestion des déchets est quasiment inexistante !
On balance, parfois on brûle quand l’amoncellement d’ordures devient trop épais.
Les détritus sont partout ! Les canaux et le fleuve sont devenus des dépotoirs.
Louxor sent les épices et le crottin, ça a son charme…Mais les premières chaleurs aidantes c’est surtout la pourriture qui s’exhale au coin des rues de terre battue.
Dommage ! L’Egypte mérite mieux !
Mais ce n’est pas la préoccupation première des Egyptiens !
Coucher de soleil sur le bord du fleuve, c’est le temps de la shisha et de la tasse thé.
Quelques chats rôdent autour des déchets, les eaux du Nil sont calmes.
Felouques et dahabeyya sont au repos, les muezzins invitent à la dernière prière de la journée, la clarté s’atténue, le « west bank » va s’endormir.
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