Ethiopie 11, La "route historique" du Nord éthiopien.
Ethiopie 11, La « route historique » du Nord éthiopien.
« Tout l’art des lettrés dans ce pays repose sur la capacité de dissimuler dans une phrase d’allure banale un contenu essentiel et caché.
C’est ce qu’ils appellent l’or et la cire… »
« Asmara et les causes perdues » de Jean-Christophe Rufin.
Un chauffeur de taxi mal réveillé peut vous gâcher la journée…
4 h 15, il fait nuit dans les rues d’Addis; éclairage blafard des ampoules nues pendouillant sous les tôles des échoppes qui déjà attendent le chaland.
Silhouettes enroulées dans des couvertures, assisses au pied des banques et des administrations, canon de la Kalach bien visible, surveillance oblige ;
Moins heureux, ces formes allongées sur de fragiles cartons, bâches plastiques sur des corps douloureux, il fait froid la nuit à Addis.
Tous ne se réveilleront pas.
On lui a bien dit au taximan, « Ethiobus » à Meskal square, mais il veut nous amener à une autre station !
Il faut insister pour qu’il nous conduise là où je reste persuadé que le départ du bus se fait bien le long de ce boulevard !
Sur la place, en attente, une armada de bus grandes lignes garée en double file.
Toutes les grandes compagnies sont présentes et on ne voit pas « Ethiobus »…
Le taximan commence à nous faire douter. Aurait-il raison ?
Il semble incapable de demander une information, il fait tourner son véhicule en rond, passe et repasse le long du boulevard...On scrute la montre, le bus n'attendra pas!
Nous le faisons stopper et partons à la pêche pour trouver notre bus à destination de Dessié vers le nord.
En fait, trois longs chapelets de bus se masquant les uns les autres sont alignés:
« Ethiobus » est bien là, un peu planqué derrière les piles du pont du métro aérien.
On charge les sacs, nous quittons Addis.
En route pour le nord couramment appelé « route historique », celle qui mène au cœur de l’Abyssinie d’avant Ménélik II.
C’est un long trajet qui nous attend, nous allons rejoindre Lalibela, haut lieux du Christianisme orthodoxe éthiopien en pays Amhara.
Un parcours qui ne se fait pas d’une seule traite, deux jours sont nécessaires pour gagner ces hautes montagnes.
Nous ferons étape à Dessié, ville bruyante, rues cradingues, tôles ondulées, immeubles en chantier...
...mais magnifique environnement à 2500 mètres d’altitude.
Aujourd’hui dimanche, nous assisterons (non, non pas la messe !) à une course de vélo dans le centre-ville.
Un tourniquet ultra rapide sur l’avenue principale en pente sévère, la différence se fait dans la descente, ça roule à bloque sur des VTC !
Clou du spectacle et follement encouragé, un nain sur un vélo trop grand pour ses courtes jambes ;
loin derrière le groupe de tête, courageux et ne manquant pas de panache , il accomplira le parcours en totalité !
Peu sensibles à la compétition, des Amhara, traditionnellement drapés de blanc étincelant se rendent à l’église, c’est dimanche, moment intense de prières.
Même si ici on prie tous les jours que Dieu fait !
Nous passons à la gare routière réserver nos billets pour Lalibela.
On nous dit de revenir demain et peut-être nous les vendra-t-on.
On ne comprend pas bien la raison de ce refus de vente…Les bus circulent-ils ?
On saisit qu’il y a un souci mais impossible d’avoir des informations précises.
Je capte quelques trucs, « football », « fights », « no good » « road is closed »…
À l’hôtel nous en apprendrons un peu plus.
Ce n’est pas vraiment un contretemps pour nous, car demain lundi, à deux heures de bus de Dessié, se tient dans la bourgade de Bati, l’un des plus grands marchés d’Éthiopie.
Dans ce carrefour culturel, ce sera l’occasion d’assister à un gigantesque rassemblement des populations Amhara, Oromo et Afar.
Chaque lundi, venus des campagnes, le marché draine au bas mot plus de 20 000 personnes.
Une multitude grouillante, colorée, se tasse dans les rues de Bati pour commercer légumes, céréales, miel, épices, charbon de bois, cordes…et bétail.
On n’échappe pas non plus à tous ces gamelles, bassines, pendules, montres, sacs à main « made in China » que les éthiopiens qualifient eux même de « China no good ! »
Cette critique concerne plus largement la présence des Chinois sur le sol éthiopien.
De nombreux asiates se comportent en nouveaux conquérants peu appréciés des locaux.
Mais Bati, c’est surtout cet impressionnant « camel market » :
Sur un terre-plein qui, par endroit, s’apparente à une décharge en plein air, les vendeurs de bétail négocient :
chèvres, moutons, vaches et dromadaires changent de main.
Imposant foirail sous le soleil; Odeurs de crottin, de cuirs de bovins mêlés aux arômes de café, de thé et d’épices…
On y arrange aussi des mariages parait-il !
( une jeune fille contre des chameaux?...Non, ça c'est la légende! )
Le lundi à Bati, c’est la grande kermesse, peu ou pas de touristes, on circule librement en toute tranquillité !
regardez cependant où poser les pieds, un coup de sabot est vite arrivé !
De retour à l’hôtel, nous rencontrons Eugenio, Espagnol d’Almería.
Eugenio est technicien en système d’irrigation.
Almeria, serres géantes, irrigation, tomates…Vous avez fait le lien !..
Et ici en Éthiopie on cultive pour « Carrefour Europe » des asperges, des aubergines, des fleurs.
Évidemment la culture se fait sous serres très gourmandes en eau.
Un paradoxe de plus dans ce pays qui est contraint de rationner "l’or bleu" dans de nombreuses villes.
Eugenio connait bien le secteur, il nous apprendra qu’à Weldiya, la veille, un match de football a dégénéré entre une équipe Amhara et une équipe du Tigray.
À se demander pourquoi ces équipes jouent dans la même ligue, alors que les deux « nationalités » sont en situation conflictuelle depuis longtemps !
Une fois encore le fédéralisme éthiopien montre ici ses limites. Une simple étincelle et tout s’embrase.
Sombre bilan :
hôtels et banques incendiés, la police intervient, plusieurs morts sans qu’on sache avec précision le nombre.
Une constante en Éthiopie, les autorités dissimulent les informations.
Weldiya se situe sur l’axe Addis/Mekele, c’est un passage obligé pour rejoindre Lalibela, les circulations ont été interrompues, raison pour laquelle la vente de tickets de bus a été également suspendue.
Le lendemain, nous pourrons emprunter un bus local :
« the road is open sir ! »
Au passage à Weldiya, arrêt au check point ; tout le monde descend sur le bas-côté de la route, les militaires et la police inspectent le bus, fouille au corps des hommes uniquement, les femmes ne sont pas inquiétées.
Ambiance relativement tendue, mais on nous assure que la situation est sous contrôle.
Il est 17 heures quand nous arrivons à Lalibela, la « Nouvelle Jérusalem », berceau des Chrétiens orthodoxe en terre Africaine.
Ici les curés sont beaucoup plus nombreux que les militaires !
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