Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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NZ 22, Gérard, Néo zélandais, fils d'immigré Hollandais...

NZ 22,

 

Gérard, Néo zélandais,  fils d’immigré Hollandais…

 

 

Portrait.

 

 

 

 

 

 

 

Ma mère avait cueilli et blanchi des haricots verts le matin même.

La veille, nous étions allés faire le tour du lac de Guerlédan, cette petite merveille au cœur de la Bretagne centrale, à deux pas de mon village natal.

 

 

Avec le recul, je mesure combien le modeste lac de Mur de Bretagne, si beau soit-il, ne devait guère impressionner le jeune étudiant Néo zélandais à qui je faisais visiter la région où je suis né.

 

 

 

 

 

Les haricots verts, Gérard s’en souvient…

 

Nous les avions réchauffés sur un « butagaz » au cul de la Renault 4 ( la fameuse « 4L ») qui nous traînait jusqu’au Mont St Michel.

 

 

 

 

 

En route, nous avions fait une halte à Dinan pour acheter du jambon et de la baguette croustillante.

 

 

 

 

 

 

À une époque où la nourriture restait médiocre en Nouvelle Zélande, le souvenir de l’arôme de cette mie blanche à la croûte dorée continue de convaincre le Kiwi que le meilleur pain au monde vient de chez nous! 

 

 

Nous avions alors une vingtaine d’années, Gérard découvrait l’Asie et l’Europe et me parlait de la Nouvelle Zélande ; Je l’écoutais avec gourmandise, échafaudant des projets de voyages au long cours.

 

 

Gérard lui, déjà, pensait à l’Amérique, tout en sachant vendre l’exotisme de son pays.

 

 

« Un jour tu viendras chez moi, tu verras… c’est beau !… » me disait-il.

 

 

Plus tard, Gérard allait passer de nombreuses fois sous les portiques des aéroports du monde entier, tendre son passeport diplomatique en souriant à la douane des centaines de fois et plier sa vie nomade dans des valises… Il ne le savait pas encore.

 

 

 

Après quelques jours dans les Côtes-du-Nord de mon enfance, nous rentrâmes à Paris.

 

Le Kiwi demeura dans notre « deux- pièces » le temps de son séjour dans la capitale.

 

On apprit à se connaitre et à rire ensemble!

 

 

Gérard faisait partie de ces étudiants Néo zélandais qui, à l’issue de leur cursus universitaire, avaient pour habitude de quitter le grand Sud pour l’« overseas experience ».

 

 

L’université encourageait (encourage toujours) les étudiants à sortir de leur archipel perdu, pour courir la planète, s’ouvrir au monde et s’élargir la tête.

 

 

Il faut comprendre qu’à cette époque (en 1980, sans internet, sans téléphone mobile, sans low cost!), pour un jeune homme qui ne connaissait guère que la provinciale Wellington, débarquer à la gare du Nord dans ce grand Paris fut un choc.

 

 

Gérard venait de passer quelques semaines en Hollande où sa famille paternelle  trouve ses racines.

 

Ce fut la première rencontre avec ses cousins d’Europe.

 

Avec en poche, griffonnée par Martin*, notre adresse dans le 17ème, non loin de la place Clichy, il fit le parcours à pied de la gare à notre logement.

 

 

Récemment encore, il nous dira se souvenir de ne pas avoir été « très fier » de marcher seul dans un Paris inconnu, mais il trouvera sans encombre la rue « la Condamine » où nous logions.

 

 

 

 

Dans cette France insouciante et nouvelle des années Mitterrand, Gérard découvrait la capitale le jour ; Le soir nous l’emmenions dans les bistrots pour parfois ne rentrer qu’au petit matin!

 

 

 

Le Néo zélandais ne se lassait ni de la Seine, ni des belles Parisiennes qui trouvaient son accent « anglais » délicieux!

 

Il savait y faire…Dans ce domaine mes recommandations étaient inutiles!

 

 

Au fil des années, les courriers réguliers que nous échangions dans les années 80 se sont espacés pour finalement s’interrompre.

 

Chacun occupé à sa vie, nous nous sommes perdus.

 

Souvent je me suis demandé ce qu’étaient devenus mes deux compagnons de l’autre bout du monde.

 

S’étaient ils mariés, avaient-ils fondé une famille ; Martin* et Gérard, les deux potes de l’université se fréquentaient-ils encore ?

 

 

Ce que j’ignorais, c’est que les deux Kiwis s’interrogeaient de la même façon sur notre sort et avaient entrepris quelques démarches sans succès.

 

 

Durant l’hiver 2009, je retrouvais au fond d’une valise de cartes postales, une vieille carte de « bonne année » qui allait me décider à fouiner :

 

 

 

Dans ce courrier, Martin* nous souhaitait, à Marie et à moi, ses meilleurs vœux pour l’année 1983 et nous apprenait que Gérard travaillait pour le compte du gouvernement Néo zélandais à l’ONU à New York.

 

 

Je tentais ma chance via « Google » auprès du « Foreign Affairs » de Nouvelle Zélande et le nom de famille de Gérard apparut ;

 

Dans la rubrique « contact », à l’intention de V.B. Gerard je laissais un message  relatant ma rencontre avec les deux kiwis trente ans auparavant.

 

Précisant qu’il pouvait s’agir d’une homonymie, j’y mettais les formes d’usage en remerciant de transmettre le message à l’intéressé, s’il s’agissait bien du même Gérard!

 

Quelques heures plus tard un long mail de Gérard me parvint.

 

Le diplomate qu’il est devenu se souvenait du jardin de mon père, tiré au cordeau, des haricots verts, de la « 4L » et de la baguette achetée à Dinan.

 

Le lendemain matin, le téléphone retentit à la maison, je reconnu immédiatement la voix de Martin*.

 

Une nouvelle histoire allait pouvoir débuter!

 

Trente trois ans maintenant ont passé.

 

Ce samedi, nous débarquons du ferry en provenance de l’île du Sud :

 

« Je serai là, à la sortie, ici c’est tout petit, on ne peut pas se louper.. »  nous a dit Gérard.

 

Le beau jeune garçon que l’on a connu à Paris a maintenant 57 ans, le corps s’est épaissit, la silhouette s’est enrichie mais le sourire est toujours aussi séducteur.

 

C’est un bel homme qui nous accueille, il se tient droit,  un peu rigide même, dû à sa fonction peut être.

 

On s’embrasse, on échange quelque mots, on se dit peu ; C’est suffisant…on parlera plus tard.

 

Après tant d’années  c’est comme si c’était hier.

 

 

 

 

Fils d’immigré Hollandais :

 

Après la seconde guerre mondiale, dans une Europe à genoux, celui qui allait devenir le père de Gérard décida de quitter une Hollande détruite, pour dit-il, trouver la paix.

 

Sans regret, il laissa derrière lui La Haye en ruine.

 

 

Boulanger de profession, le jeune hollandais choisira comme d’autres Bataves ce pays plein d’espoir où tout reste à faire.

 

Il débarquera en Nouvelle Zélande à la fin des années quarante.

 

Le boulanger travaillera dur, montera une petite affaire de « traiteur » pour banquets et mariages.

 

Le Hollandais rencontrera une jeune Anglaise née de parents inconnus, élevée chez les bonnes sœurs dans une banlieue de Londres, et quittant elle aussi la vieille Europe.

 

 

De cette union naîtront quatre enfants dont Gérard, le cadet en 1956.

 

 

Gérard grandira dans un village de Hawke bay près de Napier sur la côte Est de l’île du Nord. Une région où « les gens ont  l’esprit étroit » dit-il.

 

 

 

 

 

 

C’est à l’université de Wellington où l’on enseigne l’économie et le droit international qu’il rencontrera Martin*.

 

 

Les deux étudiants sont brillants, ils comprennent l’isolement de leur pays, redoutent la sclérose d’une société Néo zélandaise qui copie un modèle Anglais dépassé, se heurtent à une politique rétrograde et aspirent à un « mai 68 » dans le Pacifique Sud.

 

 

La controverse du « Springbok tour 1981» des rugbymen Sud Africains, exigeant de ne pas jouer contre des « All Blacks » de couleur mettra le feu aux poudres*

 

Décidément ce pays aux résonances archaïques ne pouvait pas les retenir.

Mais les choses allaient changer.

 

 

Après son expérience en Europe, Gérard intégrera le Ministère des Affaires Étrangères comme conseiller juridique International.

 

 

Dans une Nouvelle Zélande en pleine métamorphose, le nouveau gouvernement réformateur a l’ambition de placer aux postes clés des jeunes talents qui ont prouvé leurs compétences.

Gérard sera nommé directeur de la Division Juridique du Ministère.

 

 

Il rejoindra la mission Néo zélandaise auprès des Nations Unies à New-York et représentera son pays dans de nombreuses négociations internationales dont celles concernant les questions de désarmement.

 

 

Il participera activement à la mise en place du Tribunal Pénal International d’Arusha (Tanzanie) pour les jugements des crimes du Génocide Rwandais.

 

 

Spécialisé dans le droit maritime régulant la pêche et les océans, il représente à nouveau son pays dans le traité (non aboutit) du partage de l’Antarctique.

 

 

 

 

 

 

Il participera également à la finalisation de l’« accord » avec le gouvernement Français permettant aux faux époux Turenge (et vrais agents de la DST), condamnés dans l’attentat du « Rainbow warrior », d’accomplir leur peine dans une possession Française du Pacifique.

 

 

Une négociation bizarre qui aurait permis à l’agneau Néo zélandais de pénétrer l’Europe sans l’opposition de la France pourtant si prompt habituellement à défendre son agriculture hexagonale.

 

Après plus de dix années au service de son pays, éprouvant le besoin de changement, il rejoindra  Auckland et le cabinet privé Russell Mc Vaigh  rassemblant les meilleurs avocats et juristes du pays.

 

 

Il rencontre Barbara, avocate, qui deviendra son épouse.

 

 

 

 

De retour à Auckland, Gérard se sent vite à l’étroit, le travail n’est pas aussi passionnant qu’il espérait.

L’envie de plier ses chemises dans la valise le reprend.

 

 

En 1993, la Nouvelle Zélande obtient une représentation au conseil de sécurité de L’ONU, le gouvernement pense à lui, il accepte de représenter son pays à nouveau durant les deux années de mandat.

Cette fois-ci Barbara accompagne Gérard à New-York.

 

 

 

Le temps file vite, la quarantaine approche, ils feront deux enfants dans la foulée. Samuel et Joseph verront le jour à New-York.

 

Enfants de diplomate, ils n’auront pas le droit à la double nationalité.

 

À leur retour au pays, Gérard reprend sa carrière de juriste et tente à nouveau une expérience dans le privé à Auckland.

 

 

 

Jusqu’en 2005 il sera associé à deux cabinets dont un à Wellington. Barbara est inscrite au barreau de Wellington comme avocate indépendante ; Le couple part s’installer au sud dans la capitale.

 

 

 

Si on fait vite le tour d’Auckland, la capitale Wellington est encore plus concentrée…Tout le monde se connait et on connait tout le monde !

 

 

Gérard a besoin d’air et d’espace…En 2005 il revient au Ministère, grand Commis d’Etat comme il a toujours su faire.

 

 

Gérard est chargé de « faire avancer les intérêts de la Nouvelle-Zélande à travers un vaste programme multilatéral englobant les questions d'environnement et des ressources naturelles, et doit veiller à la promotion des intérêts de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies et d'autres organismes internationaux. »

 

 

Plus simplement il dit : « je fais du lobbying… »

 

 

Dans les dernières années, il dirigera la délégation Néo zélandaise pour les négociations visant à établir un régime de gestion des ressources halieutiques de la haute mer du Pacifique Sud.

 

 

Les Nations Unies confirmeront les droits de la Nouvelle Zélande à l’exclusivité d’un territoire de 1,7 million de kilomètre carrés de fonds marin au-delà de sa zone économique actuelle.

 

Une belle victoire sans doute pour ce petit pays!

 

 

La carrière du diplomate n’est pas terminé:

 

à l’approche de la soixantaine, il a acquis expérience, compétence et surtout a su garnir un copieux carnet d’adresses.

 

Le poste d’Ambassadeur à New-York est à pourvoir en 2015…Y songe t-il en se rasant dans les différents hôtels de la planète ?

 

 

Ce soir, c’est Barbara qui cuisine.

Elle parle de ses deux fils qu’elle a "presque élevés seule."

 

 

Gérard opine du chef et avoue regretter ses nombreuses longues absences du domicile.

Le fils d’immigré a bien réussi dans la vie…a-t-il réussi sa vie ?...il fera le bilan plus tard.

 

 

En servant le vin, il parle de son père vieillissant qui radote un peu en évoquant son Pays-Bas natal.

 

 

 

 

 

Le vieil homme parle toujours le Flamand mais ne l’a pas enseigné à ses enfants.

 

Ces enfants « devaient » être des Néo zélandais, des vrais,…ils le sont.

 

C’est pour cela que le père s’abstenait de parler sa langue maternelle devant ses enfants.

Ensemble ils ont construit un pays nouveau, ils peuvent en être fiers.

 

 

En juillet prochain, Gérard et Barbara s’envoleront pour la France avec des vélos de course dans la soute.

 

Durant deux semaines, avec un petit groupe de Kiwis, ils suivront les étapes du Tour en escaladant les principaux cols des Pyrénées et des Alpes.

 

Ensuite ils prendront « Thalys » pour passer une semaine en Hollande.

 

Le diplomate aime le vélo et adore le Tour de France…

 

 

« Tu sais, c’est la centième édition cette année » me dit-il.

 

 

*voir « Martin, Néo zélandais, fils d’immigré Irlandais » Portrait à suivre.

 

Lien ci-dessous :

 

NZ 23, Martin, Néo zélandais, Fils d'immigré Irlandais...



03/06/2013
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