Cambodge 2, La boîte de lait magique!
Cambodge 2 ,
La boîte de lait magique !
C’est une adolescente, menue, presque fragile…
Ses longs cheveux noirs sont maintenus tirés dans le dos par un élastique. Elle doit avoir seize ou dix sept ans. Le bébé dans ses bras est frais né, peut être une ou deux semaines, pas plus.
Elle a coincé dans le lange un biberon de lait.
Sous son t-shirt se dessine une maigre poitrine qui ne convainc guère, la gamine donne l'impression de ne pas pouvoir allaiter l’enfant.
C’est d’un pas décidé qu’elle se plante devant un vieux couple d’Américains installé à la terrasse du « café de Paris » boulevard Sisowath quay qui longe le Mékong.
De la main elle désigne le biberon…
Elle ne réclame pas d’argent.
Fixant le couple de touristes, à plusieurs reprises elle prononce « milk please, milk please.. »
J’observe de ma table voisine le visage de l’Américaine se pincer, s’émouvoir et interroger son mari…
La gamine, le bras tendu, indique la pharmacie toute proche, et se noie à nouveau dans les yeux de l’occidentale.
La blonde Américaine redevient une maman, je la devine perturbée, se désolant de la souffrance de la rue à Phnom Penh.
La jeune Cambodgienne, un soupçon d’insolence dans son beau regard, a lancé l’appât, le couple vient d’être ferré pour de bon!
Il n’est plus tout jeune le touriste venu du pays de l’Oncle Sam ; C’est peut être un vétéran de la guerre du Viet Nam cherchant un hypothétique pardon pour les saloperies commises dans cette Indochine paradisiaque…
Ou alors, vient-il plus simplement, respirer les parfums du Mékong, lointain souvenir d’un pays autrefois paisible, avant que le napalm et les bombes ne le transforment en charnier incandescent.
Il soulève sa vieille carcasse, rajuste sa casquette de base-ball et accompagne la Cambodgienne au commerce : elle lui fera acheter la plus grosse boîte de lait, il n’osera pas protester, lâchera vingt cinq dollars et aura accompli une bonne action!
De retour à la terrasse, il oublie son café refroidi ; Son épouse satisfaite sourit, c’est un petit geste, mais qui soulage devant l’insupportable misère qui hante les rues de la capitale du Cambodge.
L’Américain ne peut pas savoir que dès qu’il aura tourné le dos, la gamine et son bébé d’emprunt, retourneront à la pharmacie restituer la boite de lait…
Le pharmacien, complice dans la combine, lui redonnera la partie de la somme convenue que le touriste naïf vient de dépenser dans ce qu’il pensait être une aide nécessaire!
Plus tard l’adolescente ira rendre le bébé loué à la vraie mère, et coût de location du bébé déduit, gardera la différence pour elle et sa famille.
Cette boîte de lait est magique et rend heureux les nombreux protagonistes de l’histoire inlassablement répétée au près des étrangers :
Tout d’abord le pharmacien qui peut vendre la même boîte de lait plusieurs fois par jour, ensuite la maman qui reçoit son pécule pour la location de son bébé qu’elle allaite, bien entendu l’adolescente qui est le maillon essentiel de la supercherie, et enfin le touriste qui a une histoire à raconter et qui s’endort l’âme apaisée!
Cette pratique courante dans les grandes villes Cambodgienne piège les occidentaux aisément.
La vie est difficile pour un grand nombre de Cambodgiens qui vivent sous le seuil de pauvreté dans ce pays laminé par des années de souffrance et de massacres…
Le Cambodge, c’est un peu l’Afrique en Asie!
Du tuck tuck qui nous ramène à l’hôtel, j’aperçois des enfants qui n’ont pas dix ans, uniquement vêtus d’un short sale, se disputer des dollars dans la rue…
D’où peut bien sortir cet argent? De quel inavouable trafic peuvent être victimes ces gamins qui errent dans les rues poussiéreuses de la banlieue de Phnom Penh?
Des associations luttent contre la prostitution enfantine, le gouvernement semblerait, sans convaincre, prendre le problème au sérieux, mais la misère est telle que les priorités sont bien souvent ailleurs…
La demande est forte et n’est pas seulement occidentale…Les réseaux sont bien souvent pilotés par des Chinois ou des Vietnamiens et les gamins de la rue n’ont plus de nationalité depuis qu’ils traînent à la recherche de leur survie.
Pendant ce temps, les terrasses qui bordent les eaux calmes du Mékong, se remplissent de touristes émerveillés par la culture khmer et la beauté des temples, témoins d’un passé prestigieux.
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