Colombie 11, sur les sentiers de Tierradentro...
Colombie 11,
sur les sentiers de Tierradentro . (*)
(*) Vers l’intérieur des terres.
« Quel Colombie ? …l’austère et froid domaine des sierras, les grandes plages du littoral, la jungle amazonienne ou les plaines torrides de l ’Est ?
Tous ces paysages d’Amérique latine sont ici rassemblés dans la paume d’une main tendue au bout de l’immense bras de la Cordillère des Andes »
Marie Noëlle Hervé
120 km au programme, une pacotille…Enfin presque !
On commence à avoir un doute quand le bus se pointe au terminal de Popayan, c’est un « busita » vieillissant, capacité réduite, environ 40 places, taillé certainement pour affronter la montagne et pour les 4 heures de route annoncées.
Comme d’hab, le bus est parfaitement propre, ici ils ont l’habitude des finitions à la main, tous les véhicules de transports publics sont étonnamment « nickel », un tour de force quand on sait le poids de la poussière sur les pistes cahotantes des reliefs cabossés.
Les soutes sont à bloc, il aura fallu une bonne dose de génie au chauffeur pour caser les balluchons en tout genre.
Peine perdue quand un policier se pointe avec un chien renifleur, il faut à nouveau tout mettre par terre pour que le charmant toutou valide le barda.
Bizarre non ? Il n’y a que des paysans indiens à bord et 3 touristes:
Nous deux et la jeune Alina tout droit débarquée de Frankfort.
Alors c’est la règle parait-il.
Et personne ne discute ! « Por la droga señor ! »
Il y a un point que je ne capte pas complétement, il va falloir marcher un peu nous dit-on:
Un pont franchissant un canyon ne serait pas sécurisé.
Bon, c’est parti pour un peu d’aventure imprévue semble-t-il !
Dans un décor d’exception, les 120 km nous prendront à peu près 6 heures, sur une route tourmentée qui donne l’impression de bénéficier de travaux d’amélioration récents, mais très loin de l’achèvement attendu par les locaux :
Majoritairement des communautés indiennes.
En clair, la route est pourrie !
Encore une fois, ça ne mène que chez los indigenas !
Isolée, difficile d’accès, la région de Tierradentro longtemps contrôlée par les Farc, est restée à l’écart des grandes voies touristiques.
Depuis quelques années, le site de Tierradentro, considéré comme le second trésor archéologique du pays est à portée de main de ceux qui veulent bien tenter la percée dans le massif andin.
Trois jours plus tard nous ferons le trajet en sens inverse avec à la clé les informations de Léonard, le jubilatoire patron de la posada en bambou dans laquelle nous dormirons à poings fermés !
Les travaux sur la « carretera » ?
Ils ont débuté il y a de ça environ 15 ans !
Le pont suspendu ? « terminado » en 2013 !
...Mais jamais mis en service, une « erreur » de conception le rend infranchissable.
Léonardo a une explication :
« Los ingenieros han puesto el dinero en su bolsillo…si señor…corrupcion ! »
Alors, il faut donc prendre son mal en patience.
« El puente » n’étant pas en service, un contournement taillé dans la paroi rocheuse permet de joindre les deux bouts de la piste :
Mais ça glisse, ça dérape, ça patine dur !
Seuls les 4x4 sont à l’aise dans le chantier. Il faut alléger le bus, descendre et continuer à pied un moment.
Le chauffeur tentera le passage à vide dix fois, vingt fois…
Rien à faire, le moteur « Chevrolet » au maximum de sa puissance, crachant un panache noir, ne parvient pas à hisser la carcasse du « busita » en haut de la bosse.
Sous le regard intéressé d’un conducteur de pelleteuse, le bus recule systématiquement comme une savonnette sur un carrelage humide.
Quelques « Pesitos »!!, une petite poignée de billets roulés change de mains, d’un signe de tête le pilote de la pelle accepte le marché et met les chenilles en route.
Le puissant godet entre en action, mange le gras des ornières, déverse de la draille.
En franchissant l’obstacle, le vieux bus, apaisé, semble sourire comme tous les passagers qui assistent à la scène.
Chacun reprend sa place, bientôt nous serons à San Andres de Pisimbala !
San Andres et son église couverte en tôle, depuis qu’un incendie (provocado ?) a réduit en cendres son toit de chaume, somnole dans l’attente des touristes venant découvrir les sépultures souterraines (hypogées).
Des tombes profondément enfouies avec des chambres latérales ont été mises à jour dans toute l’Amérique, du Mexique au nord-ouest de l’Argentine, mais leur plus grande concentration se trouve en Colombie, ici à Tierradentro.
De très belles randonnées dans des paysages d’altitude mènent aux différents sites.
On sait peu de chose sur la communauté à l’origine de ses surprenantes chambres funéraires creusées pour certaines jusqu’à 9 mètres sous terre.
Les archéologues ne se mouillent pas pour la datation, la fourchette est large :
Entre le VIIe et le IXe siècle de notre ère.
Plusieurs tombes conservent des fresques géométriques ornementales en parfait état.
La visite est musclée, des sentiers exigeants courent sur 18 km entre 1750 et 2700 mètres d’altitude.
De ces hauteurs, souvent noyées de brume grise, le regard se perd sur un interminable chapelet de massifs ondulants qui passe du vert foncé au bleu ardoise.
De magnifiques bosquets de bambou bordent champs de yucas, plantations de bananiers et belles parcelles de caféiers.
Le bambou, un matériau de choix pour des constructions légères et solides!
C’est une Colombie rurale, généreuse et attachante, qui s’offre aux visiteurs peu nombreux.
Léonardo et son épouse Eva font tourner leur pension « la portada » dans la bonne humeur avec encore une fois un incomparable sens de l’accueil.
Eva ne propose pas de carte, « es el menu del dia ! », repas complet (potage excellent, plat et dessert tout aussi bons et super jus de fruits frais) pour « diez mil pesitos ! » (Mas o menos 3,20 Euros)
San Andrès se mérite, les sentiers de « Tierradentro » aussi, mais c’est certain :
« Vale la pena ! »
A découvrir aussi
- Colombie 16, de Jardin à Jerico, tour de manège en Antioquia...
- Colombie 23, Cartagena de Indias Reine de Colombie...
- Colombie 26, Barichara ou le charme discret du Santander...