Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Cuba 2, La casa de Samuel et Alberto, Centro Havana...


 

 

Cuba 2, 

La casa de Samuel et Alberto, Centro Havana… Impressions.

 

 

 

 

« … La Havane, c’était de la folie :

 

 

 

je crois que c'était la ville la plus vivante du monde. Paris ou New York, de la merde, oui ! Beaucoup trop froides ...

 

 

 

Pour la vie nocturne, il n'y avait pas mieux qu'ici.

C'est vrai qu'il y avait des putes, la drogue, la mafia, mais les gens s'amusaient et la nuit commençait à six heures du soir et ne finissait pas(…)

 

 

 

Pour finir la nuit, à deux heures du matin tu pouvais faire un saut à la plage de Mariano pour assister au spectacle du Chori frappant sur ses timbales, et toi, là, comme si de rien n'était, assis entre Marlon Brando et Cab Calloway, à côté d'Errol Flynn et de Joséphine Baker.

 

 

 

Et après, si tu n'étais pas complètement mort, tu pouvais descendre à La Gruta, là sur la Rampa, pour te retrouver au lever du jour, emporté par le jazz de Cachao, Tata Güines, Barreto, Bebo Valdès, le Noir Vivar et Frank Emilio qui faisaient un bœuf avec tous ces fous qui étaient les meilleurs musiciens que Cuba ait jamais eus !

 

 

 

Ils étaient des milliers, la musique était l'atmosphère et elle était à couper au couteau, il fallait l'écarter pour pouvoir passer ...

 

 

 

Et Violeta del Rio faisait partie de ce monde … »

 

 

 

 

« Les brumes du passé » de Léonardo Padura (extrait)

 

 

 

 

Nous logeons chez des artistes ; Samuel devenu  vieux et Alberto se préparant à vieillir.

 

Un beau duo à l’élégance palpable, au regard doux et prévenant.

 

Alberto, le plus jeune, le moins usé, gère apparemment le quotidien de la « casa ».

 

Comme dans toute les casas de Cuba, on y croise du monde sans pouvoir imaginer qui fait quoi et à quel titre.

 

Tout sourire, ce beau monde défile dans les couloirs de la maison coloniale.

 

Dans une technique différente de son ainé, Alberto s’exerce aussi au travail de l’aiguille, un piquage talentueux  d’où naissent des visages de tissus polychrome.

 

Alberto est noir comme beaucoup de Cubains.

 

L’Africanité à Cuba est une réalité. Est-ce pour se rapprocher de ses racines anciennes qu’Alberto destine sa vie d’artiste à la réalisation de masques et poupées fortement inspirés du continent Noir ?

 

Des masques mais pas seulement; Alberto confectionne des colliers de bois sombre, tout en nuance.

Une alliance de teintes qui rappellent la veine des  superbes boiseries des vantaux protecteurs que l’on ferme quand la chaleur humide des tropiques menace.

La maison coloniale garde alors un semblant de frais dans une pénombre confortable.

 

Samuel est blanc  et parle l’inglese, pour dépanner dit-il.

 

Son nom n’est pas totalement latino :

Weinstein Trujillo, un patronyme qui laisse supposer des origines issues de l’outre-Rhin.

Samuel a ajouté à sa carte de visite « Artista Textil ».

 

L’artiste assemble, compose, tisse et combine laine, corde et couleurs.

 

Des œuvres textiles que le vieil homme expose à la Havane et dans d'autres capitales du monde.

 

La belle voix Cubaine, Omara Portuendo (Buena Vista social Club), choisira l’univers de la « casa » Samuel y Alberto pour illustrer la couverture de son dernier album.

 

Samuel a des yeux bleus qui semblent regarder au loin.

 

Il voit de moins en moins bien, se déplace à petits pas, pareil à Ruben Gonzales (Buena Vista Social Club) allant retrouver son piano sur scène à la fin de sa vie.

 

Nous n’imaginons pas Samuel sortir de la « casa », peut être le fait-il, alors aidé sans doute.

 

Quitter la « casa », arpenter  centro Havana, c’est s’immerger dans le tourbillon de La Havane populaire qui pour l’instant ne bénéficie pas (ou peu) des soins de restauration que connait le quartier voisin d’Havana Vieja.

 

 

Impression de déjà-vu :

Rues défoncées, plaques d’égouts éventrées, façades délabrées, compteurs électrique bricolés, immeubles insalubres, gargotes encrassées…

 

Mais en s’affranchissant de cette vision miteuse, en se laissant embarquer dans ces rues en ébullition, on perçoit l’énergie foisonnante de Centro Havana, un spectacle sans fin s’offre à nos yeux :

 

Torses nus, sueur perlante, corps glissés sous les antiques moteurs récalcitrants des guimbardes des années cinquante ; déhanchement sensuel des jeunes femmes, mini-jupe ou short oblige, tête haute, poitrine conquérante ;

 

linge flottant aux cordes tendues sur d’étroits balcons de fer forgé, paysannes vendeuses  d’avocats à cinq pesos pièce, vendeurs de tout et de rien, bici-taxi brinquebalants en maraude à la recherche du client, calèches à chevaux qui ne trimballent pas des touristes mais du ciment ou des sacs de farine, et puis des gamins espiègles, rieurs et polis.

 

Aucune sollicitation mais une fierté certaine.

 

C’est une vie débordante, sans  cosmétique, à l’abri des magasins à touristes, une vie dure et exigeante sans doute, que les cubains résument en une formule lapidaire :

« No es facil ! »

 

Une Havana « authentique » qui a le goût d’un fruit  mur où se mêlent  sexe, sueur, souffrance et solidarité.

 

Une ville mythique empreinte de nostalgie, où la fraicheur ardente des femmes cubaines inflige  un pied de nez aux quartiers décatis, une  Havane  si vivante et si bien décrite par Pedro Juan Guttierez(*) dans ces romans explosifs !

 

Nous nous hasarderons un moment sur la place du Capitolio (toujours en rénovation) où paradent de somptueuses « carros americanos », iront à la rencontre de l’incontournable Malecon, passerons par le « bario chino » .

 

Et une fois n’est pas coutume, on se fera piéger dans un joli bar à musique où le mojito avait la couleur du mojito mais le goût des glaçons ! (depuis on s’est rattrapé !)

 

Demain, nous quitterons  La Havane pour la route du sud, premier stop : Cienfuegos.

 

Fin Octobre, en revenant de l’oriente nous consacrerons quelques journées à la capitale, nul doute que nous poserons à nouveau nos sacs dans Centro Havana !

 

 

 

(*) De Pedro Juan Guttierez, disponibles en poche, deux romans permettant une approche de La Havane durant les « années spéciales » : 

« Trilogie sale de La Havane » et « Le roi de la Havane » (liste non exhaustive)

 

Septiembre  2015,  año 57 de la révolucion…



03/11/2015
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