Pérou 7, Arequipa la "ville blanche"...
Pérou 7, Arequipa la « ville blanche »…
« C’est à Paris que j’ai écrit mes premiers romans, découvert l’Amérique latine et commencé à me sentir latino-américain ; j’y ai vu la publication de mes premiers livres ; j’y ai appris, grâce à Flaubert, la méthode de travail qui me convenait et su quel écrivain je souhaitais être. »
Maria Vargas Llosa
Un grand bond vers le sud.
Bus de nuit pour quitter Huaraz et ses massifs immaculés.
Lima, la tentaculaire capitale, commence à grouiller lorsque nous arrivons au petit matin à la « Plaza Norte » distante d’une vingtaine de minutes de l’aéroport.
Dans la foulée, un vol d’une heure trente nous épargnera les assommantes 12 à 14 heures de bus qui conduisent au très touristique Pérou du sud.
Nous voilà à Arequipa, deuxième ville du pays, campée à 2300 m d’altitude entre l’océan et l’Altiplano.
La « Ville blanche », puisque c’est ainsi qu’on la nomme, déploie ses atours sous la surveillance des volcans :
El Misti, troisième volcan le plus haut du monde, cône embrumé, de ses 5822 mètres enneigés garde un œil menaçant sur la fertile oasis d’Arequipa !
Tout autour le désert ! Le vent et la poussière.
Ville marquée avec bonheur par une architecture coloniale flamboyante, Arequipa cultive aussi sa différence politique.
C’est une rebelle du sud, républicaine, en lutte contre le centralisme et toutes formes de dictature…
Les intellectuels y ont donc toute leur place dans cette cité orgueilleuse qui fait souvent flotter sa bandera avant les couleurs officielles du Pérou.
Un ambassadeur de renom, un enfant de la ville, prix Nobel de littérature, Maria Vargas Llosa s’affiche dans les librairies du centre historique (*)
La ville est belle, très belle !
Dans un environnement désertique, entouré de montagnes pelées sans bois et sans argile, les bâtisseurs se sont tournés vers la pierre volcanique, une roche blanche légèrement saumonée : Le sillar .
Léger, tendre mais très résistant, et surtout abondant dans la région, les architectes utiliseront le sillar sans compter, dotant avec élégance les majestueux édifices de murs épais, de piliers robustes soutenant d’impressionnants alignements d’arcades.
Plaza de Armas, les églises, les couvents et la cathédrale sont charpentés pour résister aux assauts sismiques.
Restaurants à la mode, bars branchés, commerces de souvenirs, et boutiques spécialisées dans la vente de vêtements en laine d’Alpaca animent rondement un centre historique souriant et propret.
Tôt le matin, à l’ombre de la monumentale cathédrale, les cireurs de chaussures, les écrivains publics et les vendeurs ambulants investissent la place.
À l’écart du dynamisme commerçant, une fois passé le pont Bolognesi qui enjambe le rio Chili, les collines de l’ouest exposent discrètement le charme paisible des banlieues résidentielles.
Nous logeons dans un de ces faubourgs, à Yanahuara, un quartier qui allie encore le populaire et le nouveau chic ; Une partie de la population locale conteste la gentrification en marche.
À proximité de la maison coloniale qui nous abrite, de la terrasse, nous percevons les premières agitations d’une manifestation qui s’oppose à la venue d’une entreprise étrangère censée détruire du vieux pour faire du neuf :
Au programme des expulsions à la clef et aucun emploi pour les locaux, l’entreprise disposant de main d’œuvre étrangère !
Il ne fait pas bon manifester dans le coin, la police intervient systématiquement, rues rapidement barrées, force militarisée disproportionnée face à une poignée d’hommes et de femmes criant à l’injustice…
C’est aussi ça le Pérou…
Aux pays des Incas la liberté d’expression est bien souvent muselée, les puissants restent les puissants !
Les pauvres n’ont qu’à rejoindre les banlieues aux toits de tôles étincelants sous le soleil... Bidonvilles qui ne cessent de grandir de façon anarchique sur les no man’s land qui cernent la belle Arequipa.
Au calme, dans ce même quartier, un peu ignoré des touristes, le confidentiel Convento de la Recoleta dispense paix et sérénité. C’est une belle construction fondée par les Franciscains en 1668.
Plusieurs fois sévèrement endommagé par des séismes successifs et à chaque fois retapé par les moines aux pieds nus, le couvent est un bel exemple d’architecture religieuse :
Quatre cloîtres aux colonnades en sillar entourent de jolis jardins.
Principal intérêt de la visite, à l’étage, la superbe bibliothèque renfermant quelques incunables du 15 ème siècle.
Il y aurait parait-il, un passage secret menant à « l’enfer », là où on cachait prudemment les œuvres des philosophes du siècle des Lumières mises à l’index par l’Eglise.
Pour clôturer les chaudes journées à Arequipa, les bonnes tables ne manquent pas…Nous ne nous fatiguons pas des délicieux céviches…
Superbe poisson frais, citrons verts, oignons rouges, piment et coriandre, patate douce et maïs blanc : Une technique culinaire faussement naïve qui demande au chef tact, précision et talent ! Du grand art!
Mise en œuvre rigoureuse, justesse de la cuisson au limon, qualité des citrons exprimés à la main, minutage scrupuleux de la « marinade » (le terme marinade n’est pas vraiment approprié), équilibre entre acidité, piquant et douceur de la patate…
Fraîcheur absolue, un vrai travail d’orfèvre !
On en redemande !
Demain, nous irons à la rencontre de la grande merveille d’Arequipa, l’incroyable Monasterio de Santa Catalina, un village dans la ville…
Hors du temps.
(*) Le jeudi 24 mars 2016, l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature en 2010, est entré dans la prestigieuse collection française de la Pléiade.
Parmi les grands auteurs consacrés, il est le premier étranger à rejoindre ce catalogue d’exception. Seuls 16 hommes de lettres ont connu de leur vivant cet honneur.
Quelques titres de Mario Vargas Llosa :
« La ville et les Chiens », « La Fête au bouc », « Le Paradis, un peu plus loin », « Tours et détours de la vilaine fille »….
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