Rwanda 2 "The Congo Nile Trail"
Rwanda. " the Congo Nile Trail "
Esther Mujawayo dans "Survivantes" édition "l'aube" :
« L'annonce du renversement de régime a pourtant été un soulagement pour nous, en quelque sorte. Nos persécuteurs étaient des Hutu du Sud : on a cru, ou voulu croire, qu'avec ce nouveau pouvoir, nos tourments allaient prendre fin.
Il faut dire que dès son arrivée au pouvoir, le nouveau président Habyarimana nous a jeté de la poudre aux yeux. Il a fait comme s'il réintégrait les Tutsi dans la société dont on les avait exclus.
Et c'est vrai que, dans un premier temps, des employés qui avaient été chassés de leur travail ont pu le retrouver, des élèves exclus ont pu reprendre leurs cours.
Habyarimana nous a jeté de la poudre aux yeux et on a marché.
Il reprochait ce qui nous avait été fait, à nous Tutsi, et il se demandait comment le gouvernement précédent avait pu diviser un peuple comme ça. Alors, pour nous, c'était le sauveur, celui qui disait enfin la vérité. »
"The Congo Nile Trail"
Ouvert il y a deux ans et inauguré l’année passée par l’Office National du Tourisme, le " Congo Nile Trail " relie Gysenyi au nord du lac Kivu à Kamembe, dernier port Rwandais au sud du lac.
C’est une longue marche de 270 km à travers les vertes collines des provinces de l’ouest et du sud.
Un trail en toboggan, qui plonge en pentes abruptes dans les eaux turquoise du lac Kivu pour mieux accrocher le ciel azur, éclairant les sentiers en terrasses qui grimpent souvent à plus de deux mille mètres !
La totalité du trail s’effectue en 10 jours.
Nous avons choisi la première partie, la plus spectaculaire semble-t-il, de Gysenyi à kibuye.
Le marché à Gysenyi :
Une marche de 4 jours, exigeante, pénible parfois… La chaleur tropicale est accablante pour le pèlerin Breton peu coutumier à sentir perler la sueur dès 7 h du matin !
C’est dans les pas de notre guide, Madjaliwa, que nous allons découvrir la magnifique route du thé et les coopératives de production, les plantations de caféiers et leurs stations de lavage, et les forêts de bananiers qui embrassent les villages.
Eloigné des villes, ne quittant rarement du regard les eaux cristallines du lac Kivu , le sentier nous offre au détour de chaque cols, un spectacle sans cesse renouvelé.
Nous nous sommes posés dans les villages quand la fatigue l’exigeait, chargeant d’eau nos bidons sans cesse vides.
J’avoue avoir rêvé de la bière « Primus » bien fraîche !
Le contact avec les paysans a été riche d’enseignements :
Comme nous l’a dit Madja, ici c’est la réalité du Rwanda ! Une réalité rude, sévère, quasiment moyenâgeuse.
Dans ces montagnes, lorsque le ciel se charge d’épais nuages noirs signifiant au marcheur qu’il est l’heure d’enfiler les ponchos, certains villages traversés sous l’orage, nous ont paru sinistres, presqu’inquiétants.
Où est donc passé ce miracle économique que l’on nous vante tant au Rwanda ?
Avec un taux de croissance à deux chiffres il y a encore peu de temps, ce pays serait devenu le modèle de l’Afrique en voie de modernisation.
Nous n’avons pas encore goûté kigali, la capitale, affichant banques luxueuses et hôtels haut de gamme, mais ici nous sommes au cœur des oubliés et des sans droits qui constituent l’immense majorité des Rwandais.
Quatre jours dans un décor de rêve, parmi les paysans nus pieds portant des hardes et trimant sans relâche sur les collines dans de superbes parcelles...
De véritables jardins en terrasse, un travail de la terre qui mérite le respect et la légitime fierté de ces campagnards!
Quatre jours au milieu d’enfants trop souvent sales et en guenilles, annonçant à grands cris la venue de deux « Zumgu » à l’approche des villages, une de leur distraction à ces gamins débordant de sourires et manquant de tout.
Madja, ce guide hors pair, a su avec subtilité nous enseigner son pays, nous expliquer le regard parfois vide des adultes, la tristesse des vieux s’appliquant au passage du blanc à dire « Bonjour, comment ça va ? »
Quatre jours durant lesquels, Madja a bien souvent anticipé les questions que nous n’aurions pas osées poser, apportant les réponses à notre curiosité, l’humour en prime !
Le trail a été éprouvant. La nourriture très sommaire à l’exception d’un hébergement au presbytère de Rutsiro.
Chez les prêtres, au pied d’une immense cathédrale moderne dominant la crasse et la souffrance du village en contrebas, nous avons fait bombance !
l’Eglise Catholique Rwandaise a bien raison de dormir tranquille en pensant qu’heureux sont les pauvres car le royaume des cieux leur appartient !
101 km de marche qui ont façonné notre regard sur le Rwanda "des laissés pour compte".
Une seule voiture croisée durant ce parcours, un 4x4 piloté par un Africain, trimbalant deux Blancs.
Ce soir nous sommes à Kibuye, fin du trail. La pension le « Home St Jean » nous attend...
Confortablement installés en terrasse, bière « Primus » ruisselante de fraîcheur devant le lac Kivu immobile, surface d’acier étincelante, nous savourons cet étrange pays qui cumule les paradoxes.
Employé de l’Eglise, un serveur noir en livré de garçon de café parisien, se tient à notre disposition, prêt à anticiper toute demande.
Le soleil s’évanouit derrière les collines, il doit éclairer encore un court moment ces villages de douleur bénis par le Bon Dieu…
Nos bières sont déjà finies…le garçon s’en est aperçu.
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